La Cigarette, Amie Ennemie

Publié le 2 Mai 2007

J’ai arrêté de fumer, ça a fait un an le 13 janvier. Ca n’a pas passé inaperçu, pour le peu qu’on m’apercevait j’avais toujours une clope au bec. Le plus difficile à été les deux premières semaines, le geste carrément ça été un enfer. Ce petit geste, qui faisait à l’intérieur pas mal de chose. La clope un moment à soi, une détente, tu penses qu’a cloper quand t’es en manque de nicotine. Une fois la cigarette allumée, tu penses juste à tirer dessus, bien inhaler la fumée en toi, qu’elle aille dans ton corps apaiser ce manque. Ce manque chassé, tu te détends petit à petit. Quand j’étais énervée, elle faisait pas une minute, je m’étonnais de l’avoir déjà consumé. Ce qui était le plus affolant, c’était le soir devant l’ordi, avant d’aller dormir, je zieutais le cendrier et fureur il était plein l’espace d’une soirée. Cette clope j’en avais jamais assez, elle se consumait trop vite, je sentais plus son goût, elle m’énervait. Je sentais mon intérieur se détériorer, j’étouffais, je crachais noir le matin. J’ai touché à la clope tôt, vers le collège, à peine.

Quand tu as tout le monde qui fume chez toi, gosse tu te dis c’est normal, et un jour j’ai demandé, " Pourquoi nous on à pas le droit de fumer ? " et on m’a répondu " Parce que il y a que les grands qui fument ". Ah oué…

Un conseil, ne dites jamais ça à un gosse ! Cette phrase, je l’ai pas oublié et elle va changer bien des choses. Car en ce temps, j’en avais ral le bol, qu’on ne me prenne jamais au sérieux, qu’on me parle comme une neuneu, qu’on me regarde comme si j’étais une yinyin, j’étais encore gosse oui mais bon il y a des limites, j’avais qu’une hâte c’est grandir ! Donc, pour être grande il faut fumer ! Voilà le truc des grands, si je fume, je rentre dans leur monde et là ils m’écouteront ! C’est pas passé dans l’oreille d’un sourd. Comme la maison était grande, que les adultes étaient assez occupés, il était donc facile de se planquer et d’essayer ce truc. La marchandise ? Facile, il y en a toujours sur les meubles, ou sur la table. Gitane bleu, je me souvient encore du paquet, une dame noire en ombre. J’avais un peu la frousse, c’est vrai, je savais quand même que je m’aventurais là dans une drôle d’histoire et que je faisais un truc pas permis pour mon age. Donc histoire de ne pas être toute seule là-dedans, j’en ai parlé à ma frangine qui n’a que un an de moins que moi. Sans hésiter, elle m’a suivi et la clope à la main chacune avec le paquet d’allumette on s’en est allumée une dans une vieille étable. Là moment de calme, on s’est regardé, et elle me lance : " comment on fait ? ". J’avais bien regardé ses grands faire avec, et je lui dit : " tu l’as met à ta bouche et tu aspires, tu dis en même temps : vla papa ". On a pouffé de rire, et mine de rien ca a bien marché. On a avalé la fumé, en toussant certes, mais ayé on été grand ! Quelle fierté ! J’ai répétais par la suite ce geste seule, avec toujours ce sentiment de fierté.

Et donc une grande histoire qui allait commencer entre cette clopinette et moi. Je savais que c’était pas bien, j’avais toujours la peur d’être prise en flagrant délit, même bien caché. J’ai arrêté ce petit jeu par la suite, je sais plus vraiment pourquoi. J’ai repris quelques années plus tard à l’age de 16 ans, jusque mes 28 ans. J’ai repris pour faire comme les ados du lycée, mais à part, histoire de leur montrer que je suis pas si différente et je me sentais moins seule en faisant comme eux. Pour rien au monde je reprendrais cette saloperie, j’en ai trop bavé pour arrêter. Dans les derniers moments où j’étais accro, entre elle et moi, c’était insupportable, je m’imaginais avec un poumon en moins, mourrant étouffée et je supportais plus de cracher noir le matin et d’entendre mes poumons siffler. Elle m’apaisait plus, elle me frustrait, m’angoissait, je culpabilisais à chaque bouffée prise, je n’arrivais plus à fumer sans me faire du mal d’avantage et dans mes pires moments je m’acharnais sur le paquet. Quand j’étais vraiment pas bien, je lui disais allé vas y crève moi ! Quelle fusion ! Et je pouvais pas me passer d’elle, bien que j’essayais de résister la journée, mais le soir… impossible, c’était de pire en pire, j’en avais jamais assez. Nous étions seules, et je ne pouvais pas résister à cette tentation. Cette compagnie qui allait me calmer, me déstresser, me ramener à moi et m’en faire sortir, dans mon intérieur, à travers ce geste, dans cette fumée venant du bide. En plus elle allait dans mon sens, elle me contredisait jamais, elle me faisait du mal et aussi du bien. Un coup je l’aimais à la folie, un coup je la haïssais.

Il m’a fallu des gommes pour arrêter mais surtout des clopes aux plantes toutes dègues, car le geste manquant en était presque insupportable. Ce goût de plante acre m’a fait perdre le plaisir lié à celui-ci.

Eux qui me crachent dans la yeule chaque jour leur fumée que je trouve maintenant presque à gerber, eux qui prennent de bien grosses bouffées histoire que ca enfume bien l’atmosphère et que ca t’atteigne bien dans tes poumons et dans ta tête, ca me hargne. Je ne retoucherais plus à cette dope qui tue à petit feu, un suicide lent programmé où tu sens tout ton intérieur pourrir de goudron, tes artères qui se bouchent en plus de tes bronches, cette odeur de fumée qui te colle, tes affaires imprégnées, tes doigts et tes dents jaunis…

Quel respect de narguer ainsi, quelle solidarité… L’être humain m’étonnera toujours de sa méchanceté, et dire que c’est lui qui a inventé la moral… Les bêtes sont encore plus respectueuses entre elles.  

Rédigé par Sév

Publié dans #Maintenant

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R
bonjour moi jai arrete le 14fevrier 2006 le jour de la saint valentin mais pas par amour mais operation du poumon pour tumeur cancer si vous preferez voila maintenant je ne fule plus et je me bats pour que les personnes arretent avant de se tuerrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr
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S
Bravo                   
H
j'essaie à nouveaud 'arrêter... c'est au moins la 20 è fois... dur dur, et pourtant c'est tellement pourri
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S
Courage !               
P
100% vrai!<br /> bisous
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S
Gné ?                                             
P
Eh bien bravo!Il y a plus de 40 ans que je fume,des fois beaucoup,des fois moins,chaque fois que j'ai arréte,j'ai repris de plus belle (toujours avec de bonnes raisons!)<br /> Et puis,mourir de ça ou d'autre chose!<br /> Par contre,je ne fume pas dans la maison,ni en voiture.<br /> Amitiés et bonne journée
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S
Toutes les raisons, toutes les excuses sont bonnes pour continuer, une seule suffit pour arrêter.     
F
Je trouve ça admirable
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S
Passionnante cette clope.